Baudchon Baluchon – Valérie & Christian Baudchon Rotating Header Image

Suerte !

Il y a 400 jours, quelque part au nord de San Antonio de Areco, sur la route de Esteros del Ibera.

Je vous avais promis une petite surprise, la voici. C’était tout juste il y a 400 jours, en Argentine, nous faisions nos premiers pas. J’avais écrit un brouillon d’article un peu en retard, tant et si bien que, au fil des jours, je me disais que ça ferait vraiment réchauffé … Scrupules qui certes, ne m’étoufferont guère plus tard dans le voyage, mais il y a un début à tout ! En retombant dessus par hasard il y a quelques semaines, je m’étais dit que ce serait le meilleur article à poster pour notre départ d’Amérique. Les photos étant stockées dans un disque dur qui est quelque part au fond de nos dix sacs de voyage, il faudra donc vous en passer pour ce coup-ci (à part celles-ci que j’ai retrouvé mon ordinateur). Les enfants ont bien changé !
En relisant aussi ces quelques mots, les visages de Maria-Ines, Maria, Damian et Laura qui nous avaient si bien accueilli redeviennent plus présents que jamais : un grand merci à ceux-là, qui nous ont si bien accueillis et aidés dès nos débuts.
Pour la route, quand même, le mot de la fin de Chloé (cinq ans), sur la route de New-York. Nous parlons de ce qu’elle a aimé pendant le voyage, et elle adore, entre autres, les randonnées, où dans l’effort physique elle sent battre son petit coeur. Elle conclut : ” Tu comprends, c’est ça le bonheur : quand le coeur bat très très fort. ” J’ai à peine le temps de me remettre d’une si belle phrase qu’elle ajoute sur un air blasé : ” Et aussi bien sûr quand on bouffe tout plein de petits suisses. “
Sur ce, Yellowstone et New-York, on vous racontera depuis la France, ça viendra aussi sur ce blog. Maintenant, on revient quatre cent jours en arrière !

Dans quelques minutes ce 15 juillet 2009, nous quitterons Buenos Aires : direction la pampa ! Laura vient de nous laisser sur le trottoir après que elle et Damian nous aient une fois de plus si gentiment hébergés chez eux.
En effet, notre sortie programmée initialement pour la veille a fait long feu : il nous a fallu faire un ultime détour à l’Automobile Club Argentin, pour me renseigner sur la législation propre aux camping-cars. Il m’aura fallu cinq interlocuteurs, quatre étages et trois langues différentes pour que je puisse ressortir de l’immense bâtiment aux airs vaguement staliniens avec l’information du jour : nous devrons circuler avec des bandes de signalisation rouges et un 90 à l’arrière !

Le temps de trouver le bon quartier (du genre : c’est à une rue d’ici, mais les rues font 10 kilomètres, et en toile de fond vous avez le trafic routier local qui vous donne l’impression que vous allez partir pour une expédition de deux jours), de naviguer de magasin en magasin (et d’éborgner au passage le store sur un arbre mal élagué) je trouve ce qu’il nous faut … mais la nuit tombe déjà (vers 17 heures – 18 heures par ici) et il faudra à nouveau bivouaquer en ville. Nous décidons d’appeler Damian et Laura pour leur demander si nous pouvons dormir pour cette nuit dans notre camping-car dans la rue derrière leur maison, que nous avions repérée lors d’une visite précédente … ni une ni deux, nous voilà à nouveau invités à dormir chez eux – le pompiste de la station du coin sera bien heureux de doubler son salaire nocturne en contrepartie d’une veille plus ou moins active sur notre véhicule vide de passagers.

San Antonio de Areco, notre première étape en " solo ", la nuit tombée.


“Suerte !” fût le mot avec lequel l’une des éminentes lectrices de ce blog nous a souhaité bon voyage, particulièrement pour les contrées vers lesquelles nous nous dirigions. Une petite discussion dans une petite échoppe de photocopies (nous dupliquons nos passeports pour n’avoir à en remettre qu’une copie aux autorités et non les originaux, que nous ne voudrions produire idéalement qu’en commissariat en cas de besoin) me donne l’occasion de recevoir mon premier “suerte” made in Argentina !
La conversation démarre rapidement avec le patron et une cliente, sur notre projet, d’où nous venons, etc. … les deux sont emballés, et ponctuent tour à tour la discussion par un “suerte” avec un mélange unique de gentillesse et d’entrain, en me faisant un geste de salut de la main. Traduit mot à mot, cela donnerait “chance !” mais j’ai déjà l’impression que ça veut dire bien plus : chance, allez, foncez, courage, on est avec vous, bien à vous, etc.
Après un détour à Tigre, dans la banlieue de Buenos Aires, nous filons vers San Antonio de Areco, le coeur de la région des gauchos – pour faire très court, les cowboys argentins dont la légende vaut amplement celle de leurs collègues du nord du continent, j’y reviendrai plus tard.
Outre notre rencontre très amicale avec les routes argentines, dont je me suis déjà entretenu ici, nous découvrons une Argentine extraordinairement différente de Buenos Aires. Les villes font penser à un mélange entre les cités espagnoles et les villes du farwest que nous montrent les films américains, le tout systématiquement tiré au cordeau et à angle droit, sur un ou deux étages de haut, pas davantage – à tel point que, pour vous indiquer votre chemin, on vous indique droite et gauche, plus l’indication de distance en nombre de “cuadros” – una cuadra, dos cuadras, “medio cuadra” pour un demi pâté de maison. Assez simple pour les étrangers que nous sommes, si ce n’est que les sens uniques, les difficultés à manoeuvrer notre bétaillère et le sens extrêmement spontané qu’ont les autochtones à stationner leur véhicule rendent quand même l’orientation et les déplacements en ville assez périlleux.
Le style de conduite est radicalement différent de celui de Buenos Aires, beaucoup plus calme et moins anarchique, sauf les poids-lourds et surtout les autobus, qui eux continuent de rouler à fond quelle que soit la configuration des lieux … Nous arrivons un peu tard à San Antonio de Areco, et n’osons pas encore faire du “sauvage” c’est à dire, dans notre jargon d’aventuriers en herbe (très) fraîche, dormir au coeur de la ville, sur les places de stationnement automobiles.
Ce soir ce sera camping et, saison oblige (c’est l’hiver), nous serons les seuls à camper sur les lieux avec un autre motorhome brésilien (dont nous ne verrons d’ailleurs pas les occupants). Pendant que Valérie est partie se renseigner au syndicat d’initiative pour ledit camping, un homme d’un certain âge passe devant le camping-car avec son petit fils (qui semble avoir à peu près l’âge de Hugo).
Comme d’autres, il me fait un geste d’approbation, comme à Buenos Aires, un petit applaudissement, un salut ou une sorte de geste d’encouragement à travers le pare-brise, il s’approche et me fait signe. J’ouvre, et nous essayons d’engager la discussion dans un mélange très approximatif d’espagnol (pour moi) et d’anglais (pour lui). Je comprend qu’il engage une discussion avec son petit-fils pour savoir si ils n’auraient pas la place devant chez eux (je leur ai demandé où était le camping), il me serre l’avant bras, “Suerte” et le voilà parti, revenant un instant sur ses pas s’excusant de ne pas avoir la place d’héberger notre véhicule devant chez lui … J’ai parlé avec lui cinq minutes, je viens à peu de choses près de l’autre côté de la planète et il s’excuse de ne pas pouvoir me trouver une place pour la nuit ! Croyez-le ou pas, quand Valérie revient, j’en suis encore tout ému !
Et le lendemain, quasiment la même scène, un grand-père et son petit fils – lequel semble ce coup-ci parler un peu anglais – entame une brève discussion sur les motifs de notre présence et le projet, et conclut par un autre “suerte” et le pouce levé au ciel emmène le garçon un peu plus loin.

Les enfants se lâchent sur le panneau destiné aux clients au restaurant ...


Ce jour là est aussi l’occasion de faire notre premier petit restaurant en famille, sans l’assistance de nos interprètes de Buenos Aires. C’est l’occasion de goûter un peu de tout, avec le sketche baluchonesque habituel : les enfants promettent d’être sages, nous entrons, nous asseyons, Hugo et Léna s’étripent illico presto pour la même chaise (et ce, quelle que soit la meilleure chaise : leur but est simplement de s’étriper en public), je gueule un coup, ce qui a pour seul effet d’inciter Chloé, jusque à présent spectatrice attentive à s’y mettre en renversant la moitié de la table d’une traction insignifiante sur la nappe, Valérie calme tout le monde en trois mots et demi, on nous amène la carte pendant que les enfants, fidèles à leur promesse de bien se tenir, scandent à tue-tête “des frites ! des frites ! des frites !”, nous essayons de nous faire expliquer un bout de la carte, choisissons deux plats correspondant à une des descriptions que nous avons comprises et commandons deux autres plats auxquels nous n’avons rien compris (c’est là que ce trouve le choix le plus vaste), déjeunons en jonglant entre les assiettes qui tournent de l’un à l’autre au gré des “j’aime pas ça”, “j’en reveux de ça” ou “mais euuh Léénaaa elle en a eu plus que moaaaa”, scène qui nous amène cahin-caha au café et à l’addition (étonnamment basse), pendant que les enfants taggent littéralement le panneau que la patronne a eu la mauvaise idée de nous indiquer pour que nous y laissions un mot… La vraie vie de famille, quoi.
Nous partons ensuite nous balader en nous laissant prendre petit à petit par le charme de l’endroit, pas spectaculaire mais vraiment séduisant, allons visiter un musée sur la vie des gauchos (avec quelques armes d’époque qui laissent Hugo rêveur …), flânons autour d’un petit bout de prairie ouverte sur lequel quelques chevaux sont attachés pour le plus grand ravissement des enfants (surtout de Léna), vaquons aussi à quelques détails logistiques sur le camping-car et le reste, comme confier tout notre linge à une laverie… laquelle est tout le contraire d’être une laverie automatique (je n’en verrai pas en argentine, d’ailleurs, sauf peut-être une fois à Buenos Aires). Le fonctionnement est assez simple : un bac, c’est 20 pesos (soit à peu près trois euros cinquante) lavé, séché, plié, et le plus souvent le travail est fait dans la demi-journée… pas mal, non ? En soirée, je me promène avec mes deux filles vers les sanitaires publics du parc – quel père romantique fais-je donc, vous dites vous, et vous avez bien raison de vous le dire -, accompagné de ma fidèle boite Thetford (TM). Elles (mes filles, pas ma boite à m.) parviennent à me convaincre d’aller revoir les chevaux, si chevaux il y a. Il n’y en a qu’un, Léna tente d’engager la conversation avec lui, pendant que Chloé lui prépare un festin à base d’herbes cueillies à dix-huit centimètres du museau de l’animal, lequel ne doit pas bien comprendre ce qu’il a bien pu faire à cet espèce de tas de frisettes ambulant pour qu’il lui massacre ainsi son dîner.

Léna et son style argentin. 🙂


Quelques minutes plus tard apparaît un jeune homme, la caricature rêvée du gaucho : le béret, l’allure, la tenue … La lumière est parfaite, et je me maudis de ne pas avoir mon appareil photo greffé quelque part, car bien sûr cette fois-ci il est resté dans le camping-car. Il nous lance un regard, j’espère un début de conversation mais manifestement la journée a été longue : il détache sa monture et quitte le petit bout de prairie sur lequel nous nous trouvons. Mes filles le suivent et essaient d’attirer son attention – sans succès -, jusque au patio où manifestement le cheval ne compte pas entrer immédiatement. Pendant que nous assistons à la scène, Léna essaie de me faire promettre qu’en rentrant on lui achètera un cheval. Je m’en tire comme je peux, on verra si ça l’intéresse vraiment, si on a l’argent, un endroit, pas d’allergie grave aux chevaux – j’ai dit “comme je pouvais”, d’accord ? -, seulement si on peut en manger un bout si on très très faim, etc. – tellement bien que, en rentrant dans le camping-car, elle annonce fièrement à son frère que ça y est, c’est maintenant certain, elle aura un cheval pour ses 15 ans.
En soirée, nous discutons en famille de ce séjour à San Antonio de Areco, en dînant vite fait d’une soupe déshydratée aux oignons (c’est pas tous les jours du trois étoiles au Michelin, le camping-car), je demande à Hugo si il a aimé ce village. Hugo : “Bof.” Moi : “Hein ? Mais … par exemple, tu n’as pas aimé le musée ?” Hugo : “Ah, si !” Moi : “Et les chevaux ?” Hugo : “Ah, si !” Moi : “Ben alors ?” Hugo : “Elle est pas bonne, la soupe.” Soupir.

Article écrit je ne sais plus quand, quelque part au Brésil, il y a donc plus d’un an, et posté sur ce blog à New-York, le 19 août 2010. Après un petit footing ce matin, un petit tour au Moma avec soeurette, amis et cousins de passage de ce côté du monde, nous sommes à l’aéroport, sans bagages, à deux pas de la salle d’enregistrement …


11 Comments

  1. vedrenne says:

    Bon retour et bon courage a tous

  2. Émouvant!
    Et on sera à la gare de Bordeaux pour vous récupérer, vous et votre montagne de bagages.
    A tout à l’heure….

  3. C’est vrai, c’est émouvant… et plein de tendresse!
    C’est très beau. Merci!
    A ce soir…

  4. Les Bousquet says:

    On pense bien à vous, et même si nous ne pourrons pas être à la gare,nous allons être tous très émus de vous savoir de retour chez vous!Les retrouvailles en gare risquent d’être aussi inoubliables que le voyage….
    bises à tous

  5. Phil says:

    “Voila, c’est fini”, comme le dit jean louis aubert.
    20h56 approche. Alors quel est le sentiment?

    – Triste de na pas continuer et beaucoup de nostalgie?
    – Partagé entre le plaisir de rentrer, et la tristesse de quitter ce périple?
    – Ou content d’être de retour et d’avoir quitté le tampicar?

    Comme vous allez entendre cette question quelques dizaines de fois, je préfère être le premier à la poser?

    Bravo pour avoir essayé de nous faire vivre une partie de ce voyage.

  6. Amélie says:

    Bon retour en France. J’espère que vous n’allez pas vous perdre dans votre grande maison. J’ai mangé des fajitas en votre honneur ce soir, même s’ils devaient bien moins bon de ceux que vous avez goutés.
    Une nouvelle aventure commence ici, en attendant la prochaine.
    A très bientôt j’espère.

  7. Amélie says:

    PS : la lecture de votre blog va me manquer…

  8. Ade says:

    Je lis ce petit poste émouvant et a la fin je me dis, ça y est, ils sont rentres ! J’espère que levoyage s’est bien passe et je suis impatiente de vous revoir tous pour voir vos yeux émerveilles en racontant votre formidable aventure ! Comme Amélie, votre blog me manquera !

  9. Marie No says:

    Bon retour parmi nous !!! Vivement le prochain voyage !

  10. Kate says:

    Sniff

    Nous n’aurons plus de belles photos pour nous faire réver et réchauffer notre hiver bordelais….

    En revanche on pourra se réchauffer en partageant un bon p’tit verre ensemble.
    Nous sommes rentrés hier et j’ai hâte d’entendre vos récits. Mais je pense qu’il faut prendre un ticket pour vous voir ? chacun son tour ?
    Alors je m’inscris sur la liste pour savoir quand vous êtes dispo pour un petit asado à la maison (pour ne pas trop vous dépayser…)
    Bises à tous

  11. Steph I says:

    Hola !
    comment va les Baluchons ?
    pas trop le mal de terre ? la réadaptation à la vie sédentaire et routinière ça se passe bien ?

    Et je tenais à dire que j’attends la suite… il doit continuer ce blogue…mets nous au moins des bonus, comme sur un DVD haut de gamme…
    Allez, portez vous bien
    A++
    Steph
    PS : Faites gaffe quand même, il parait qu’on expulse facilement les familles nomades qui viennent de loin…comme vous quoi !

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